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Offre alimentaire et santé: il faut que le gouvernement se hisse à la hauteur des enjeux

Carte blanche publiée sur Le Soir, parue le 2 octobre 2023

Le Plan fédéral nutrition santé est sur la table du Ministre Vandenbroucke depuis trop longtemps. Il serait en train d’être scandaleusement revu à la baisse. Le secteur de la promotion de la santé et ses proches alliés exigent des mesures décisives en faveur d’une offre alimentaire favorable à la santé de la population.

Trop gras, trop salés, trop sucrés, une large part des produits alimentaires proposés à la population peuvent en réalité être néfastes pour sa santé quand ils sont régulièrement consommés. En 2018, près de la moitié de la population en Belgique était en surpoids et plus d’une personne sur sept était obèse. A 65 ans, un Belge a 60 % de risque d’avoir une ou deux maladies chroniques liées à l’alimentation (hypertension, diabète, maladie cardiovasculaire, certains cancers…). Ces effets suivent un gradient social, ils sont exacerbés sur les personnes en situation de précarité. Par ailleurs, un contrôle excessif de son alimentation et une image de soi altérée peuvent affecter la santé mentale d’un individu, notamment des plus jeunes. Plus de 3,3 milliards d’euros sont dépensés chaque année par la sécurité sociale pour traiter les maladies en lien avec l’excès de poids, aucune place adaptée n’étant donnée à la prévention et à la promotion de la santé. Enfin, en 2021, 11 % des décès sont imputables à une mauvaise alimentation.

Nous, professionnel·les de la promotion de la santé et proches allié·es, demandons un changement impératif de perspective en mettant en place des mesures fortes et utiles pour améliorer l’offre alimentaire dans les différents lieux de vie en vue d’améliorer la santé de la population.

Un déséquilibre flagrant

On peut blâmer le consommateur, on a beau chercher à « l’éduquer », à le « responsabiliser », contrôler les boîtes à tartines dans les écoles… Les améliorations restent et resteront marginales dans un contexte où l’offre alimentaire accessible géographiquement et financièrement est essentiellement défavorable à la santé. Sciensano a récemment rapporté qu’en Flandre, les enseignes de grande distribution « proposent » en moyenne 3,6 mètres de produits alimentaires favorables à la santé (fruits et légumes frais ou surgelés…) pour 10 mètres de produits défavorables à la santé (snacks salés et sucrés, confiseries et biscuits, sodas…).

La course au prix bas et la praticité des produits ultra-transformés poussent à négliger la qualité au détriment de la santé, mais aussi de l’environnement et des conditions de travail et de vie des producteurs, productrices et salarié·es du secteur alimentaire au sens large. La pression marketing et publicitaire pour les fast-foods et les sodas est partout, et pousse tout un chacun à inclure ces aliments dans son quotidien. Cette pression est encore plus forte sur les publics précaires.

Combien de rapports internationaux, combien de déclarations d’intention, combien de publications scientifiques seront-ils encore nécessaires pour que la santé publique soit prise en compte à la hauteur de ces enjeux ? L’État a un rôle majeur à jouer dans ce contexte. Et il le reconnaît : l’accord de gouvernement de 2020 prévoyait explicitement de « lutter contre la mauvaise alimentation », pour établir « un environnement sain » (p. 15).

Agir sur l’information

Il existe notamment la promesse d’un nouveau Plan Fédéral Nutrition-Santé (PFNS) qui pourrait agir sur l’information nutritionnelle du consommateur : en promouvant plus largement le Nutriscore (y compris au niveau des instances européennes) et en le rendant obligatoire sur tous les produits alimentaires, en réglementant le marketing à destination des consommateurs, notamment et surtout des enfants, en régulant les prix par des taxes sur les produits défavorables à la santé et par des subsides pour les produits essentiels à la santé, notamment les produits frais, bruts. L’interdiction du marketing à destination des enfants pour les produits défavorables à la santé est déjà en vigueur dans d’autres pays, comme au Pérou ou au Canada.

Rappelons également qu’il est nécessaire que les filières de production et de transformation respectent la santé des travailleurs et des travailleuses, et de la planète. Entre l’usage intensif de la chimie et l’emploi systématique de machines, ces métiers sont parmi les plus dangereux. Certes, le PFNS ne suffira pas à changer le système alimentaire, mais engager de telles réflexions serait un pas significatif.

Pour un Plan contraignant

Or, malgré les promesses lancées précédemment, le Ministre Vandenbroucke n’a pas réussi jusque-là à faire adopter un plan utile. Le lobbying des intérêts économiques, comme c’est le cas au niveau européen et dans de nombreux pays, de la part notamment des entreprises multinationales de l’agro-industrie, n’est pas étranger à ce retard. Rappelons que depuis 2004, l’OMS encourage, de façon répétée, les États à agir vigoureusement pour tendre vers une alimentation et une activité physique favorables à la santé des populations.

Restant vigilants sur la proposition de mesures très concrètes, nous réclamons un plan qui améliore de manière significative les conditions d’information de la population sur la valeur nutritionnelle des aliments, qui encadre strictement le marketing des produits malsains, et qui fasse en sorte que les prix des produits alimentaires reflètent leur impact sanitaire, social et environnemental. Un plan qui oblige les entreprises, et ne se contente pas de compter sur leur « autorégulation » ou leur volontariat. Un plan qui porte le champ d’action et de responsabilité au plus haut niveau politique. Car ce plan sera valable pour au moins 5 ans, mais il sera crucial pendant des décennies en créant – ou pas – les conditions indispensables à la promotion de la santé de toute la population.

Signataires : Fédération bruxelloise de promotion de la santé; Service d’Information, Promotion, Education Santé (Sipes-ULB); FIAN Belgium; Nos Oignons; Plateforme Prévention Sida; Cultures&Santé; Promo Santé & Médecine Générale; Solidaris; Coalition Santé; Fédération des maisons médicales; L’Entr’aide des Marolles; FedeAU – Fédération bruxelloise des professionnel.le.s de l’Agriculture Urbaine; Centre bruxellois de Promotion de la Santé (CBPS); Cuisines de quartier; Mutualité chrétienne; Rencontre des Continents; Asbl Tandemmm; VRAC Bruxelles; Agroecology in Action