La grande distribution multiplie les initiatives pour contrôler toujours davantage la production alimentaire et augmenter son emprise sur le monde agricole. Cette stratégie menace l’agriculture paysanne et la souveraineté alimentaire. Cette année, le Réseau de soutien à l’agriculture paysanne (RESAP) s’intéresse au cas de Colruyt pour mettre en lumière cette problématique et demander des politiques de régulation foncière plus ambitieuses et plus efficaces en vue de défendre l’accès à la terre pour l’agriculture paysanne.
1. La grande distribution achète des terres : le cas de Colruyt
Depuis plusieurs années, Colruyt a entamé une stratégie d’intégration verticale (donc de contrôle non seulement de la distribution, mais aussi de la production des aliments). Colruyt a entre autres conclu des collaborations directes avec des producteurs de soja, des producteurs de pommes de terre et des éleveurs de porcs et de viande bovine. Colruyt a également créé une ferme marine pour produire des moules (Ferme Marine Westdiep à Nieuwpoort). Un projet de privatisation dénoncé par les pêcheurs, des marins et des organisations pour la justice climatique. Côté foncier, le distributeur aurait déjà acquis plusieurs dizaines d’hectares de terres en Flandre et en Wallonie. Via COLIM, sa société de patrimoine, Colruyt a racheté une ferme bio de 25 hectares, Het Zilverleen, que ses propriétaires souhaitaient céder. Colruyt a trouvé un exploitant pour y assurer la production de légumes bio. Le distributeur a également acquis des terres à Hal et du côté de Ath. En 2020, Colruyt a créé Agripartners, société d’exploitation, dans le but affiché de “continuer à s’investir dans l’acquisition de terrains et d’exploitations agricoles”. L’arrivée de cette nouvelle société marque une accélération dans sa stratégie de contrôle de la production. Désormais, le but est d’acheter davantage de terres – dont un terrain près de son siège social à Halle – et de passer des accords avec des agriculteurs et agricultrices, qui produisent exclusivement pour Colruyt, en fonction de la terre et de la demande des clients. Cette annonce a provoqué une levée de boucliers du monde agricole, des deux côtés de la frontière linguistique. Selon la Fugea (La Fédération Unie de Groupements d’Éleveurs et d’Agriculteurs) : “ces pratiques d’un autre âge nous feraient presque penser au servage féodal« . “Le paysage agricole belge se caractérise notamment par une pression foncière accrue, qui bloque l’installation des jeunes et freine la reprise d’exploitations. L’entrée sur le marché du foncier agricole d’acteurs aussi puissants que le Groupe Colruyt risque fortement d’accroître encore davantage ce phénomène”, dénonce également la fédération. La FWA abonde en ce senset ajoute : “Il y a, en Belgique, suffisamment d’agriculteurs motivés, respectueux des normes légales, et soucieux de conclure des partenariats équilibrés pour ne pas en arriver à ce modèle agricole qui bat en brèche le principe d’indépendance et d’autonomie de décision dont doit pouvoir bénéficier tout travailleur indépendant, et dans ce cas précis tout agriculteur. » Si c’est Colruyt qui est ici mis en avant en raison de son actualité, le phénomène d’achat de terres agricoles par des investisseurs du secteur de la grande distribution va croissant ces dernières années. Ainsi, en Allemagne, particulièrement dans l’ancienne RDA, où les terres sont divisées en très grandes parcelles, « les grands investisseurs possédaient déjà 34 % des terres agricoles, en 2017. » En 2020, ce sont 6000 ha de terres agricoles de Thuringe (ex-RDA) qui ont été vendus à une société membre de la fondation appartenant aux héritiers du groupe de distribution Aldi. La mobilisation du RESAP cette année vise à tirer la sonnette d’alarme et à empêcher que la Belgique ne suive cette voie. Côté politique, les projets du Groupe Colruyt soulèvent aussi des questions. En octobre 2020, trois députés se sont adressés au ministre de l’Agriculture Willy Borsus, relayant les inquiétudes du secteur agricole :
- la pression sur le prix des terres
- la fragilisation accrue du modèle d’agriculture familiale défendu par la Déclaration de politique régionale
- mais aussi l’intégration verticale et le risque de concentration des outils de production qui mettent en danger l’autonomie et la liberté des agriculteurs et agricultrices.
L’achat de terres par Colruyt ou tout autre acteur de la grande distribution apparaît clairement contradictoire avec les objectifs du code wallon de l’agriculture qui consacre le modèle d’une agriculture « familiale, à taille humaine et écologiquement intensive » (Article premier du Code wallon de l’agriculture). Le Ministre a manifesté l’intention d’entrer en dialogue avec le distributeur, mais n’a pas apporté de réponse rassurante quant à une possible action politique en vue d’empêcher ce genre de stratégies (voir le C.R.I.C no 32 du Parlement Wallon, 2020)
Une pression supplémentaire sur l’accès à la terre
Les terres agricoles belges ne font pas (encore ?) l’objet d’accaparement massif de terre par des investisseurs agro-industriels étrangers. Mais la problématique de la pression foncière et de l’accès à la terre pour les paysan.ne.s est toutefois très préoccupante. En 2014, l’étude “Pour un meilleur accès à la terre en Belgique et en Europe”, menée par plusieurs membres du RESAP (FIAN, FUGEA, MAP, Terre-en-Vue), dénonçait déjà des mécanismes qui contribuent à l’extrême pression foncière en Belgique :
- le fait que la Belgique est un petit pays densément peuplé avec des terres
- agricoles « rares » ;
- l’urbanisation et la bétonisation des sols (pour l’habitat ou les zonings économiques) qui grapillent chaque année du terrain sur les terres agricoles ;
- la Politique agricole commune et ses paiements « à l’hectare » qui gonflent le prix des terres agricoles et favorisent la concentration des terres au sein des plus grandes exploitations ;
- la concurrence d’autres usages sur les terres agricoles (chevaux, sapins de noël, golf et autres loisirs) souvent plus rentables que l’activité agricole ;
- etc.
Ce sont ces mécanismes qui provoquent l’explosion des prix de la terre à l’hectare et par conséquent, la disparition des petites fermes, les difficultés de renouvellement des générations en agriculture et de transmission des fermes, l’impossibilité pour les jeunes de s’installer. Résultat : les terres agricoles belges sont les deuxièmes plus chères d’Europe (après les Pays-Bas) et la Belgique a perdu 68% de ses fermes sur les 40 dernières années. L’arrivée d’un grand groupe agro-industriel comme Colruyt dans le paysage foncier belge va aggraver la situation. Chaque terre achetée par Colruyt est une terre dont l’agriculture familiale belge sera privée. Chaque achat de terre par Colruyt contribuera à l’augmentation des prix en Belgique. Parallèlement, l’achat de terres via Agripartners pourrait permettre à Colruyt de bénéficier d’une partie de l’enveloppe de la Politique agricole commune (PAC) et ce, aux dépens des fermes familiales.
2. L’intégration verticale, un phénomène qui inquiète
L’intégration verticale est une stratégie de diversification qui consiste à étendre ses activités verticalement en amont ou en aval de celles déjà exercées. Cela peut se faire en acquérant une société, en développant des compétences en interne ou en scellant des alliances. C’est un modèle déjà répandu en Belgique, particulièrement dans les secteurs du porc et de la volaille, qui pose déjà de nombreuses questions en termes d’autonomie des agriculteurs et agricultrices. Colruyt va un pas plus loin dans la verticalisation des filières en s’appropriant les moyens de production. La terre étant par ailleurs une importante valeur refuge et un objet de spéculation majeur. Contrairement au bail à ferme, qui laisse à l’exploitant∙e une complète autonomie sur ce qu’il∙elle produit, comment et à qui il∙elle le vend, l’intégration verticale dont il est question ici fait de l’agriculteur ou de l’agricultrice un·e quasi-employé·e de Colruyt. Le Groupe se défend pourtant de museler l’indépendance des gérant∙es des terres agricoles : Colruyt Group « rachète les terres, mais n’a pas l’intention de les exploiter lui-même, ni d’embaucher un salarié pour le faire. L’objectif est de collaborer avec un exploitant indépendant.” À travers cette déclaration, Colruyt annonce donc son nouveau modèle agricole : les faux indépendants. Des agriculteurs et agricultrices soumis·e·s aux exigences de Colruyt et dépouvu·e·s d’autonomie décisionnelle sur la ferme, mais sans bénéficier des avantages et de la sécurité du salariat. En effet, les exploitants de la ferme “Het Zilverleen” seront responsables de la gestion opérationnelle quotidienne de l’exploitation, mais devront répondre aux décisions stratégiques du Groupe Colruyt. Le groupe belge, à l’image du reste du secteur de l’agro-industrie européenne, impose donc ici, de manière encore plus directe et coercitive, son influence sur les producteurs et productrices (à ce sujet, lire entre autres : Lucile Leclair, De la ferme familiale à la firme internationale. L’agro-industrie avale la terre, Le Monde diplomatique, février 2022). Par ailleurs, on en sait très peu sur le type de contrat qui liera l’agriculteur ou l’agricultrice au distributeur : comment sera fixé le prix, qui assumera les risques, par exemple des aléas climatiques et autres (sécheresses, maladies…) ? Encore une fois, le Groupe affirme ses bonnes intentions : « Il s’agira de collaborations transparentes, fondées sur des accords clairs et profitables à chacun. L’objectif est de construire un projet commun en réunissant les idées et les forces de toutes les parties. » Après avoir affaibli le secteur pendant des décennies par des prix planchers, on peine à croire que le modèle proposé par Colruyt et sa société d’exploitation Agripartners apporteront une réponse aux enjeux économiques et environnementaux du monde agricole. En effet, l’enseigne de grande distribution n’offre aucune garantie quant au modèle agricole qu’elle compte promouvoir : “L’objectif est de se tourner d’abord vers la culture conventionnelle. À terme, nous n’excluons pas la possibilité d’utiliser une partie de ces terres agricoles pour des cultures plus innovantes, dans le cadre de l’évolution de la durabilisation. Le bio ne constitue pas un objectif en soi, nous ne n’excluons pas pour autant. » Ainsi, si Colruyt surfe sur le “local”, le Groupe ne compte pas participer à la transition agroécologique pourtant indispensable pour répondre à l’urgence climatique et à la crise de la biodiversité. Notons que cette déclaration semble contredire l’engagement de Colruyt à ne pas vouloir interférer avec le principe d’indépendance des agriculteurs et agricultrices avec lesquels ils collaborent.
3. Accaparement et verticalisation, une atteinte aux droits des paysan·ne·s au Nord comme au Sud
L’accaparement des terres par l’agro-industrie et les stratégies de verticalisation développées par la grande distribution sont deux phénomènes bien présents dans les pays du Sud. Côté accaparement des terres par l’agro-industrie, rappelons que, suite à l’envolée des prix des matières agricoles sur les marchés mondiaux et aux crises alimentaires qui ont suivi en 2007/2008, on a connu une grande vague d’accaparement des terres au niveau mondial, qui se poursuit jusqu’à nos jours. Les grandes entreprises agro-industrielles et des investisseurs financiers ont pris conscience de l’importance stratégique des ressources foncières et essaient de mettre la main sur de grandes étendues de terres agricoles. Les pays du Sud ou certains pays de l’Europe de l’est ont connu des achats massifs de terres par des investisseurs étrangers. Les acteurs agro-industriels belges ne sont d’ailleurs pas étrangers à ce phénomène. Des ONG ont documenté plusieurs cas d’accaparement des terres impliquant des entreprises belges (ou liées à la Belgique). C’est le cas notamment des entreprises SOCFIN, SIAT et Feronia qui ont acquis des centaines de milliers d’ha de terre dans plusieurs pays d’Afrique pour développer des monocultures d’huile de palme et d’hévéa (caoutchouc). Par ailleurs, la banque belge de développement BIO finance la multinationale Tozzi Green, impliqué dans l’acquisition controversée de terres à Madagascar. L’acquisition de ces terres agricoles se fait souvent au détriment des paysans locaux qui perdent dès lors le contrôle de leur principal moyen de subsistance. Côté verticalisation, des accords et collaborations entre entreprises occidentales et paysans du Sud se multiplient. En 2012, Carrefour avait déjà des contrats avec des paysans dans 18 pays dits en développement. Il s’agit entre autres de s’assurer la production de brocoli, d’artichaut ou encore de haricot vert à destination de sa clientèle européenne. Quelles que soient les formes d’associations entre les entreprises agroalimentaires et les paysans (agriculture contractuelle, faux indépendants, ouvriers agricoles, etc), ce qui est en jeu, c’est la perte d’indépendance, d’autonomie et de résilience des paysannes et paysans. Leurs sorts passent entre les mains des sociétés qui les engagent, dans une relation de pouvoir déséquilibrée. Si cela peut garantir un revenu sur quelques années, ils peuvent également perdre leurs emplois du jour au lendemain dans le cas où la société se délocalise pour produire encore moins cher. Cette verticalisation a des effets négatifs sur la capacité des paysans à s’organiser face aux sociétés de l’agroalimentaire, la possibilité de pérenniser les formes ancestrales d’agriculture familiale, la possibilité de pérenniser et développer leurs méthodes agroécologiques.
4. Les revendications du RESAP
La mobilisation du RESAP cherche à adresser plusieurs messages à différentes cibles. Il s’agit bien sûr de manifester notre contestation à Colruyt Group mais le RESAP cherche aussi à informer les citoyens et citoyennes sur les pratiques contestables de Colruyt. Et bien sûr, le RESAP adresse des demandes concrètes aux responsables politiques car iellels ont une responsabilité et l’obligation de prendre des mesures structurelles quant à la problématique de l’accès à la terre et la disparition des fermes familiales. Par ailleurs, cette mobilisation s’inscrit dans le cadre de la journée mondiale des luttes paysannes. Comme chaque année, le RESAP s’oppose aux accaparements de terres en Belgique et envoie un message de solidarité aux paysan.ne.s des pays du Sud qui sont encore davantage affecté·e·s par cette problématique qui menace directement leur droit à l’alimentation. À destination de Colruyt Group, tout d’abord : les organisations paysannes, les ONG de solidarité internationale, les associations actives dans les secteurs de l’alimentation durable, de l’éducation, de la lutte contre la pauvreté et de la santé et les collectifs citoyens membres dénoncent sa politique d’achat de terres en Belgique. Le RESAP se mobilise pour la première fois sur la problématique des acteurs de la grande distribution cherchant à accroître leur pouvoir sur tous les maillons du système alimentaire via l’achat de terres agricoles. Au-delà de la journée mondiale des luttes paysannes, nous continuerons à agir main dans la main avec les organisations paysannes de tout le pays pour nous opposer à l’achat de terres par Colruyt Group car cela constitue une attaque à la paysannerie et à notre souveraineté alimentaire. Colruyt a la volonté d’être vu comme un acteur du système alimentaire qui œuvre pour une alimentation durable et locale. En vue de garder une certaine crédibilité, Colruyt devra abandonner ses achats de terres qui renforceraient encore davantage les liens de dépendance et d’asservissement des agriculteurs et agricultrices. Pour développer des systèmes alimentaires durables, nous avons confiance dans nos agriculteurs et agricultrices et nous n’avons pas besoin que la grande distribution s’immisce dans nos champs. Notre manifestation est également un message à la clientèle de Colruyt, certainement réceptive aux publicités de Colruyt qui n’hésite pas à s’afficher comme un acteur de l’alimentation durable et locale, qui va jusqu’à se vanter de lutter contre l’exploitation des agriculteurs·trices. Nous dénonçons une forme de greenwashing et de localwashing. Aujourd’hui, une alimentation locale rime, dans la tête de beaucoup de consommateurs, avec une alimentation durable. Or, la question des conditions de travail, de l’autonomie, de la capacité à s’organiser pour obtenir des prix justes, la capacité d’acquérir une parcelle de terre sont des critères qui importent davantage que le nombre de kilomètres entre un champ et une grande surface pour juger de la durabilité de l’alimentation. Nous estimons que Colruyt pratique de la désinformation dans sa communication et, ce faisant, manque de respect envers sa clientèle. Enfin, le RESAP appelle les pouvoirs publics régionaux et fédéraux belges à se saisir de cette problématique. La stratégie de Colruyt visant à acheter des terres pour assurer sa production locale de produits agricoles est une menace pour le marché foncier et pour le principe d’indépendance et d’autonomie des agriculteurs et agricultrices, ainsi qu’une atteinte au modèle agricole familial défendu par les responsables politiques tant en Flandre qu’en Wallonie. La Wallonie et la Flandre, qui constatent chaque année la disparition des fermes familiales, le vieillissement de la population agricole et la croissance du prix de la terre, ne peuvent pas observer passivement cette manœuvre de Colruyt et d’autres groupes agro-industriels, qui commencent à accaparer de plus en plus de terres en Belgique et contribuent à faire exploser les prix du foncier. Si des mesures fortes ne sont pas prises pour enrayer ce phénomène, la situation foncière en Belgique risque de s’aggraver encore davantage.
Lutter contre l’accaparement des terres en Belgique…
Dès lors, nous demandons aux pouvoirs publics d’adopter les mesures nécessaires en vue d’empêcher les grands acteurs industriels comme la grande distribution d’acheter des terres. Cela passera entre autre par : Des outils de régulation du prix de la terre :
- Mettre enfin en œuvre les dispositions prévues dans le Code de l’agriculture et notamment un renforcement des moyens et des outils de régulation (droit de préemption, régulation du prix) du foncier par les autorités publiques : administrations régionales, voire également communales ; ceci par la création d’un organisme de régulation des transactions foncières agricoles en Région wallonne.
- En parallèle et pour assurer le bon fonctionnement de cet organisme, prévoir :
- des fonds régionaux voire communaux permettant d’intervenir sur le marché du foncier en cas de prix excessif et d’acquérir des terres à travers un droit de préemption ;
- une plateforme d’information centralisée sur les disponibilités de terres
Un plan Marshall de la transmission des exploitations !
Des outils et moyens pour favoriser la transmission des exploitations :
- La transmission doit être rendue plus favorable que le démantèlement de l’exploitation (en soutenant en particulier les petits paysans et non les entreprises de grande taille – Colruyt ou autres…) ;
- Les agriculteurs/trices sans repreneurs dans la transmission de leur exploitation doivent être accompagné·e·s et des moyens sont nécessaires pour ce faire ;
- Des outils qui soutiennent ou favorisent l’installation multiple, la reprise d’exploitations en fermes partagées ;
- L’accompagnement des candidats à la reprise.
La protection absolue de la terre agricole :
- Protection du caractère nourricier des terres agricoles.
- renforcer les ambitions et accélérer la mise en oeuvre des plans “stop béton” prévus par les autorités régionales ;
- revoir les plans de secteur et faire passer des zones à bâtir inappropriées pour l’habitat (inondables, extensions de villages…) en zones agricoles ;
Les terres publiques doivent être exemplatives pour :
- s’orienter prioritairement vers la reprise des exploitations et des projets nourriciers (= des productions qui nourrissent les citoyens et ne sont pas exportées) ;
- doivent prioritairement rester dans la propriété publique (et si vendues, droit de préemption d’autres opérateurs publics) ;
- des ventes avec prix fixe (pas de surenchère) et critères d’attribution orientés vers l’installation, les plus petites exploitations et les projets nourriciers ;
- une plateforme régionale d’information sur les terres publiques disponibles à la location et à la vente (avec critères d’attribution et prix plafonné)
…et ailleurs dans le monde !
Enfin, cette mobilisation s’inscrit dans le cadre de la journée mondiale des luttes paysannes. Comme chaque année, le RESAP prend comme porte d’entrée des luttes locales qui ont une portée internationale. Lutter contre les mécanismes développés par l’agro-industrie en Belgique pour renforcer sa mainmise sur les systèmes alimentaires, c’est aussi lutter contre le déploiement de ces mécanismes ailleurs dans le monde et particulièrement dans les pays du Sud. Pour lutter contre les accaparements de terres dans les pays du Sud, la Belgique doit faire sa part. Notamment :
- En signant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des paysan·nes et des autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP). À titre d’exemple, l’UNDROP prévoit que « Les États prendront toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte que les acteurs non étatiques qu’ils sont à même de réglementer, tels que les particuliers et les organismes privés, ainsi que les sociétés transnationales et les autres entreprises commerciales, respectent et renforcent les droits des paysans” ;
- En adoptant les mesures législatives pertinentes afin de réguler les agissements des entreprises liées à la Belgique qui pourraient violer les droits humains à l’étranger. Et notamment en adoptant une loi instaurant un devoir de vigilance raisonnable à l’égard des entreprises, qui les oblige à respecter les droits humains, du travail et de l’environnement, y compris à travers leurs fournisseurs, sous-traitants et filiales, et à les tenir juridiquement responsables d’éventuelles infractions ;
- En prenant les mesures spécifiques nécessaires pour réguler les banques et entreprises belges (ou liées à la Belgique) lorsqu’elles sont responsables ou complices d’accaparements de terre à l’étranger. Citons comme exemples (1) le cas de l’entreprise belge SIAT qui exploite 60 000 hectares de terres en Afrique (Nigéria, Ghana, Côte d’Ivoire). Des terres dont l’acquisition est litigieuse et contestée par les communautés locales n’ayant pas accordé leur consentement libre, informé et préalable (CLIP), (2) le cas de l’entreprise SOCFIN qui détient 400 000 hectares de concessions dans 10 pays en Afrique et en Asie et dont les impacts négatifs sont dénoncés par les communautés locales dans la majorité des plantations et (3) la Banque belge de développement BIO qui finance la multinationale Tozzi Green, accusée d’accaparements de terres à Madagascar ;
- En s’assurant de ne pas investir elle-même dans des projets agricoles dont l’acquisition des terres est caractérisée par des litiges. Citons le cas de Plantations et Huileries du Congo (PHC), société qui gère 100 000 hectares dont 30 000 ha de plantations de palmiers à huile. Cette société anciennement connue sous le nom de FERONIA s’est vu octroyer des fonds via la Société belge d’investissement pour les pays en développement (BIO)
- En faisant pression sur l’Union européenne pour ne pas signer de nouveau traité de libre échange et pour diminuer les importations de produits agricoles de grandes cultures (ex : soja provenant du brésil, huile de palme d’Indonésie…) qui riment avec accaparement et concentration des terres.