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Priorités pour la relocalisation des systèmes agro-alimentaires et la transition agroécologique

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La crise du Covid-19 a mis en évidence la fragilité et le manque de résilience du modèle agro-alimentaire mondialisé1. La grande majorité des fermes wallonnes y sont pourtant enchâssées. En outre, le monde agricole productif se délite de façon structurelle en Wallonie (disparition de la moitié des fermes wallonnes sur une génération) sous la pression conjuguée d’une série de facteurs, en particulier la dérégulation des marchés et certaines politiques publiques qui ont poussé les producteur·rices à accroître leur dépendance aux acteurs en amont et aval de la production, et par là-même fragiliser leur résilience et leur sécurité d’emploi. L’industrialisation de l’agriculture porte également une importante responsabilité dans les dérèglements climatiques et l’effondrement de la biodiversité.

En miroir de ces constats et à l’aune du pouvoir révélateur de la crise sanitaire, de nombreuses organisations de la société civile, expert·es et collectifs2 ont rappelé leur conviction : re-territorialiser nos systèmes alimentaires et activer la nécessaire transition agroécologique est une priorité, dans une vision transversale, intersectorielle, participative et politiquement décloisonnée.

Le mouvement Agroecology in Action (AiA)3 défend l’idée que l’agroécologie est un véritable levier de changements pour rendre nos systèmes agro-alimentaires plus résilients face aux crises (sanitaires, environnementales et climatiques) et plus justes vis-à-vis de l’ensemble des acteurs, du producteur·rice au consommateur·rice en passant par les distributeurs.

Nos recommandations :

  1. Mettre en œuvre les engagements du plan « Get up Wallonia ! » en adoptant un plan gouvernemental ambitieux en faveur de la relocalisation de l’agriculture et de l’alimentation. Ce plan devrait coordonner les politiques existantes (Stratégie Manger Demain, plan stratégique PAC, Alliance Emploi-Environnement-Alimentation, PWRP, REGAL, etc.) et dégager des budgets pour des mesures phares et basculantes pour la transition agroécologique.
  2. La relocalisation et la transition agroécologique ne sont pas possibles dans un contexte commercial agricole dérégulé. Dans ce sens, nous vous encourageons à maintenir votre opposition à la ratification de l’accord UE-Mercosur, et vous demandons, dans la mesure de vos attributions, de contribuer à réviser les traités commerciaux existants et surtout, de ne pas en signer de nouveaux qui n’aient pas pour objectifs de stabiliser et revaloriser les prix agricoles européens à des niveaux qui permettent aux producteur·rices de vivre d’abord de leur production et de respecter des standards élevés de qualité.
  1. Au vu de l’importance de la PAC pour soutenir une transition agroécologique, le plan stratégique wallon 2021-2027 devrait en priorité:
  1. Favoriser l’autonomie fourragère et l’élevage lié à l’herbe, par le plafonnement des aides couplées avec des critères environnementaux (notamment en plafonnant le nombre d’UGB par hectare de surface d’alimentation fourragère).
  2. Axer tous les instruments PAC (aides à l’investissement, conseil et formation agricole notamment) sur la transition agroécologique (selon notre définition de l’agroécologie précisée en introduction) et rémunérer les services environnementaux rendus par les agriculteur·rices en ligne avec les objectifs quantitatifs des stratégies Farm to Fork et biodiversité.
  3. Soutenir le développement de filières alimentaires locales, en appuyant la production et la demande en produits bio, locaux et vivriers (politiques sectorielles, éco-régimes et développement rural).
  4. Faciliter le renouvellement des générations, par une réelle politique d’aide et d’accompagnement à la transmission des fermes et une dégressivité progressive des aides à partir de l’âge de la retraite. Concernant l’aide à l’installation, nous vous demandons d’inclure des critères de durabilité dans les conditions d’accès et de relever la limite d’âge à 50 ans.
  5. Réserver les paiements directs aux véritables agriculteur·rices (acteur·rices de la production agricole), les sociétés de gestion seraient dès lors exclues des subventions PAC.


    4. Nous sommes également convaincu·es qu’une réforme plus structurelle et ambitieuse de la PAC est nécessaire au niveau européen. C’est pourquoi nous vous demandons de :
  1. Demander un budget minimal pour les éco-régimes (30% du premier pilier) et une liste de pratiques éligibles pour l’agroécologie (y compris bio, autonomie fourragère, etc.).
  2. Plaider pour une répartition plus juste des aides :
  • À court terme en plafonnant les aides à 60.000 euros par exploitant
  • À moyen terme en plafonnant les aides aux 100 premiers ha et en étudiant la possibilité de prendre en compte les actifs agricoles plutôt que les hectares pour calculer les aides directes.
  1. Nous vous invitons également à mobiliser d’autres domaines de vos compétences en Recherche, Emploi, Agriculture et Numérique pour soutenir la transition agroécologique. De manière opérationnelle et à court terme, nous demandons de :
  1. Réaliser l’évaluation du CRA-W telle que prévue dans la DPR (p.80) et réorienter dès maintenant ses missions vers la recherche et l’accompagnement à la transition agroécologique.
  2. Lancer un programme de recherche type ‘CoCreate’ pour stimuler l’innovation agroécologique en Wallonie à travers des partenariats entre les acteur·rices du terrain, la société civile et les organismes de recherche.
  3. Mettre sur pied votre politique de soutien à la désartificialisation des terres, protéger et favoriser de surcroît l’accès au foncier agricole en activant le droit de préemption de la Région prévu par l’article D.355 du Code wallon de l’agriculture et mettre sur pied la « banque foncière » également prévue par le Code (article D.354).
  4. Soutenir le redéploiement de filières locales, en finançant tout particulièrement la mise en place d’abattoirs de proximité, de meuneries, d’ateliers de découpe, de hall relais, de laiteries, … orientées vers la valorisation locale des produits et dont les statuts juridiques assurent un réel pouvoir des producteur·rices dans la prise de décision.
  5. Reconnaître la particularité etsoutenir financièrement les circuits de distribution courtsqui favorisent le lien crucial entre paysan·nes et mangeur·euses : l’agroécologie soutenue par la communauté (AMAP, GASAP,…) et le Système Participatif de Garantie (SPG) en particulier.
  6. Lancer et financer la mise en place d’un incubateur (coupole d’acteurs regroupant notamment les agences conseils en économie sociale et le réseau des espaces-tests) pour accompagner les cédant·es à transmettre leurs terres et leurs outils de production, d’une part, et pour accompagner les repreneur·eusesdans l’installation sur ferme en couveuse d’entreprise. La coupole veillera à favoriser les synergies entre repreneur·euses et cédant·es, et à évaluer les possibilités de conversion des fermes conventionnelles vers l’agroécologie.
  1. De manière plus structurelle :
  1. Financer des animateur·rices professionnel·les pour assurer le bon déroulement des projets collectifs territoriaux (groupements de producteur·rices, plateformes logistiques, halls relais, etc.) qui appuient la création d’emploi de qualité en agroécologie et sécurisent les emplois existant. En démontre l’évaluation récente des projets Halls-relais agricoles, les projets territoriaux ont besoin d’un·e animateur·rice capable de faire remonter sans cesse les besoins du terrain pour que les montages et gestions de projet s’y adaptent de manière continue et pour, sur le long terme, faciliter le dialogue entre acteurs aux intérêts divergents (ouvrier·ères agricoles et producteur·rices, producteur·rices et consommateur·rices, etc.).
  2. Assurer un financement structurel pour les structures de formation et d’accompagnement à la conversion vers l’agriculture biologique et l’agroécologie (Biowallonie, CRABE, FUGEA, MAP). Et prévoir des appels à projets annuels pour les formations de perfectionnement afin de tenir compte des réalités de terrain et des imprévus rencontrés par les agriculteur·rices/formateur·rices.

1 IPES-Food, « Le COVID-19 et la crise dans les systèmes alimentaires: Symptômes, causes et solutions potentielles », avril 2020. http://www.ipes-food.org/_img/upload/files/COVID19%20COMMUNICATION_FR.pdf

2 Carte blanche « Le covid-19 montre l’urgence de relocaliser dès maintenant les systèmes alimentaires » par 46 organisations (12/4/2020 – Le Soir), carte blanche « Vers des systèmes alimentaires sains pour les citoyens, durables pour la biodiversité et résilients face aux crises » par la coalition environnementale (9/04/2020 – L’Avenir), carte blanche « Face à la crise historique engendrée par la pandémie de coronavirus, organisons notre sécurité alimentaire » par le monde académique (6/3/2020 – La Libre Belgique), carte blanche « Gérer l’urgence… puis réinventer l’avenir » par les acteurs de la santé (1/4/2020 – Le Soir), dossier « reconsidérer notre système alimentaire » par la FUGEA (20/05/2020 – Lettre Paysanne).

3 Agrocecology In Action (AiA) est un mouvement composé d’associations, des paysan.ne.s, d’agriculteur.trice.s, de collectifs citoyens, de chercheur.euse.s, de coopératives, de défenseur.euse.s de l’environnement, de PME, d’acteur.trice.s de la santé, d’acteur.trice.s de solidarité, d’agence-conseils en économie sociale, de mutuelles… qui vise à rassembler, soutenir, multiplier les nombreuses dynamiques et projets d’agroécologie et d’alimentation solidaire en Belgique.

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