La Politique Agricole Commune représente le principal budget européen et façonne non seulement les milieux agricoles mais aussi les milieux ruraux. Pour la 1ère fois la société civile peut remettre son avis sur un plan qui est wallon. Il consiste en un ensemble de subsides destinés à soutenir le monde agricole.
En juillet 2022, Agroecology In Action a répondu au questionnaire d’enquête sur le Rapport d’incidence environnemental (RIE) relatif au Plan Stratégique PAC 2023-2027 (PAC). Vous pouvez retrouver les réponses d’AiA dans l’article ci-dessous.
Pour en savoir plus sur les enjeux de cette enquête publique, vous pouvez consulter l’article éclairé de la Ceinture Aliment-Terre Liégeoise, membre de AiA : https://www.catl.be/2022/07/06/le-plan-strategique-pac-wallon/
Participez vous aussi à l’enquête, jusqu’au 8 juillet 2022 !
De préférence directement en ligne
- Puisez dans les réponses préparées pour vous et répondez au formulaire en ligne ici : https://form.jotform.com/FederationWB/questionnaire-denqute-sur-le-rappor
… ou option B : par mail
- Le formulaire pré-rempli avec les réponses AiA est disponible au bas de l’article : téléchargez-le, ouvrez-le sous Adobe et complétez-le avec vos coordonnées.
– Enregistrez les modifications puis envoyez-le par mail à programme.feader.arne@spw.wallonie.be
1. Objectifs de la PAC
La PAC et le PSW devraient se doter d’une vision à long terme basée sur les principes de l’agroécologie (telle que définie par la déclaration de Nyéléni lors du Forum de 2015) pour soutenir une vraie transition de l’agriculture et de la chaîne alimentaire, afin de faire face aux enjeux de sécurité alimentaire et d’emploi dans le monde agricole tout en préservant biodiversité et climat.
Pour AiA, l’agroécologie est le meilleur moyen de poursuivre la transition déjà entamée par de nombreux agriculteur·rice·s ainsi que par d’autres acteur·rice·s wallon·ne·s de la chaîne alimentaire. Nous invitons la Wallonie à se donner les moyens d’intégrer et de soutenir l’agroécologie et ceux·elles qui la pratiquent au cœur de notre système agricole.
Il s’agit de mettre d’ores et déjà en place les conditions d’une réelle transition agroécologique pour la prochaine PAC, afin d’en faire l’horizon qui permette de concilier nos objectifs de sécurité alimentaire avec la nécessité de recréer l’emploi dans le monde agricole tout en préservant la biodiversité et le climat.
Pour AiA, l’agroécologie est à la fois :
- un ensemble de pratiques agricoles visant le recyclage de la biomasse, des conditions de sols favorables à la croissance des plantes sans dépendance aux intrants externes issus de la chimie de synthèse, une diversité des espèce et ressources génétiques dans le temps et l’espace, les synergies biologiques pour une biodiversité fonctionnelle ;
- un ensemble de pratiques socioéconomiques visant le développement de systèmes agroalimentaires locaux, démocratiques, basés sur des échanges économiques ancrées dans les valeurs de l’économie sociale et solidaire, respectant des conditions d’emploi et de travail dignes, et assurant l’autonomie des producteur·rices dans la prise de décision.
2. La répartition du budget
La plus grande part du budget de la PAC est toujours attribuée au soutien des plus grandes exploitations et aux paiements directs par ha qui favorisent l’agrandissement. L’équité doit être améliorée fortement en vue de préserver les petites et moyennes fermes, de soutenir les pratiques agroécologiques et des emplois aux revenus décents.
Nous demandons l’augmentation de l’aide redistributive à hauteur de 21% du premier pilier.
Nous demandons également que 30% du budget du 1er pilier soient consacrés aux écorégimes, étant donné que les 26% prévus par le PSw sont un recul par rapport aux 30% attribués au verdissement dans la PAC actuelle.
3. Impact environnemental
Nous demandons des objectifs clairs et des critères d’évaluation explicites pour les écorégimes.
Le PSW ne propose pas d’objectifs chiffrés comme contribution de la Wallonie aux objectifs du Green Deal, en dehors de l’agriculture biologique. Nous voulons des contributions chiffrées à tous les objectifs (pesticides, engrais, antibiotiques, éléments de paysage etc.)
Concernant les écorégimes, tous n’incluent pas des cibles de manière transparente qui permettent d’évaluer leur ambition. C’est le cas de l’écorégime maillage écologique (qui donne des “ha environnementaux” abstraits et qui ne permettent donc pas de savoir si cela financera plus ou moins de maillage écologique que la situation déjà existante). L’indicateur objectif d’éléments de paysage de seulement 2,6% (moins que la situation actuelle) laisse présager qu’il n’est pas ambitieux.
De même concernant l’écorégime prairies permanentes conditionné à la charge. L’objectif annoncé de cet écorégime est d’encourager l’autonomie fourragère et la réduction de densité du bétail, mais il ne prévoit pas d’objectif précis sur la densité du bétail à atteindre en Wallonie. Par conséquent, on ne sait pas si l’ambition est suffisante pour obtenir un effet recherché positif sur l’environnement.
1. Paiements directs couplés
Nous demandons que les aides couplées aux bovins soient plafonnées à 100 bêtes éligibles pour garantir une meilleure répartition de l’enveloppe entre les exploitations, et non 145 comme proposé dans le plan.
Nous saluons la présence d’une nouvelle aide aux protéagineux.
2. Soutien au secteur de l’agriculture biologique
La RW s’est dotée d’objectifs ambitieux via le PDR (30% de bio en 2030), mais elle devrait donner davantage de moyens pour :
- accélérer les installations et conversions en bio
- stimuler la demande et développer des débouchés
Il faudrait augmenter de manière significative l’ambition des outils d’installation, d’investissement, de production et de commercialisation.
Nous saluons le soutien aux maraîchers bio sur petite surface. Mais nous demandons également le soutien des maraîchers sur petites surfaces non bio (avec une reconnaissance des labels de type SPG).
Nous demandons la définition de critères permettant d’attribuer un soutien substantiel à l’agroécologie (telle que déjà définie au point 3.1 de ce formulaire).
3. Méthodes agri-environnementales
Le budget alloué aux MAEC ne pourra pas permettre de développer un maillage écologique suffisant pour enrayer la chute de biodiversité dramatique en Wallonie comme en Europe, puisqu’il ne permet pas d’attendre 10% de maillage écologique à minima comme recommandé par l’Europe. Nous demandons un maillage écologique suffisamment ambitieux, de qualité et bien réparti.
Les écorégimes envisagés sont positifs et légitimes pour 4 d’entre eux proposés lors du processus de concertation des acteurs.En revanche, l’écorégime “réduction d’intrants”, décidé en dernière minute, pourrait être utilisé pour subventionner l’usage courant des pesticides, sans inciter à l’utilisation d’alternatives aux pesticides (prévention et agroécologie), ce qui est contraire à nos principes sur l’agroécologie.
Nous recommandons les mesures suivantes :
- Adopter le régime des petits agriculteurs.
- Mettre en place un soutien substantiel à l’agroécologie et ceux qui la pratiquent (critères de Nyéléni).
- Soutenir le développement de filières courtes (bio et/ou agroécologiques (certifications type SPG…) priorité) pour faciliter les débouchés
- Cibler davantage les investissements en faveur de l’autonomie alimentaire régionale et mobiliser tous les outils disponibles pour soutenir les regroupements de producteurs. Pour renforcer la position des agriculteurs dans la chaîne de valeur, et ainsi renforcer l’autonomie alimentaire et la résilience agricole.
- Une référence explicite au Green Deal et des objectifs chiffrés en ligne avec ceux de Farm to Fork : diminution de 50% des pesticides, de 20% des engrais de synthèse…
- Un soutien aux écorégimes à hauteur de minimum 30% du 1er pilier, comme l’était la part du verdissement dans la précédente PAC.
- Des mesures concrètes pour atteindre ces objectifs tout en maintenant le revenu des agriculteurs.
- Un soutien à l’agroforesterie (par exemple à travers un éco-régime)
- Le maintien d’aides directes importantes qui favorisent de fait le productivisme à grande échelle.
- L’éco-régime “limitation d’intrants” qui risque de subventionner l’utilisation de produits phytosanitaires !
Le PSW contient quelques bonnes réformes, mais n’est globalement pas à la hauteur des enjeux. L’essentiel du soutien financier continue à financer des primes à l’hectare et les plus grosses exploitations, orientées vers un marché d’exportation et l’agroindustrie.
Ce PSW ne changera donc malheureusement pas la donne en matière d’émissions de GES par l’agriculture et le système alimentaire wallon…
En termes d’élevage, la Wallonie présente une densité de bétail parmi les plus élevées d’Europe, après les Pays-Bas et la Flandre. L’élevage bovin est le principal responsable des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur agricole. Le plan wallon propose un soutien à l’élevage bovin parmi les plus importants d’Europe, sans aucun objectif de réduction des GES. La Commission s’en dit préoccupée et demande des critères environnementaux stricts pour l’octroi de ces aides.
Pour sa part, AiA demande que le système évolue pour décourager les « fermes usines » mais au contraire encourager le maintien d’un élevage extensif, en prairie, avec diminution progressive de la densité de bétail vers un objectif concerté avec les parties prenantes et garantissant notre souveraineté en terme d’amendements organiques, et en assurant un revenu viable aux agriculteurs-éleveurs.
AiA demande également que le système évolue pour décourager les fermes usines, tout en ne pénalisant pas la viabilité économique des petits et moyens élevages extensifs.
Nous regrettons que le PSW ne prévoit pas de mesures fortes pour la réduction des produits phytosanitaires ou les monocultures d’exportation, pratiques qui causent une importante pollution des eaux, des sols et de l’air, ainsi que l’érosion des sols.
Nous ne soutenons pas l’écorégime réduction d’intrants, qui va permettre de subventionner les cultures industrielles qui utilisent des pesticides couramment et en grande quantité, dégradent la qualité de l’eau et sont fortement érosives pour les sols, au lieu de promouvoir des alternatives au pesticides et des pratiques agroécologiques.
En matière de pesticides, nous demandons, comme la Commission, que la Wallonie se fixe un objectif en matière de réduction de l’utilisation des pesticides de synthèse et prenne de nouveaux engagements en faveur de la biodiversité.
AiA regrette, tout comme la Commission européenne, l’absence d’indicateur pour la « gestion durable des forêts” et les valeurs très basses des indicateurs de préservation des habitats, d’éléments de paysage et d’investissements pour la biodiversité.
Nous demandons des mesures plus fortes pour préserver la biodiversité, très menacée en Région wallonne, tout en assurant un revenu viable aux paysans et agriculteurs.
Le RIE a été utile pour fournir un résumé du plan stratégique PAC au grand public. Il comprend de nombreuses données, cependant il se contente d’estimer qualitativement les incidences des mesures, souvent sans citer ses sources, et surtout sans évaluer objectivement (en regardant les valeurs cibles en terme d’impact par exemple) si les mesures sont ambitieuses ou répondent aux enjeux.
Le RIE ne va pas par exemple cumuler toutes les mesures qui agissent directement sur la densité du bétail, pour voir dans quel sens le PSw fait pencher la balance. Il en va de même sur le maillage écologique et la comparaison des résultats par rapport aux enjeux identifiés dans la SWOT. En ce sens, il nous semble très peu informatif au final sur certaines incidences.
Par ailleurs, bien que ça ne soit pas prévu par la loi, nous regrettons qu’il n’y ait aucun rapport d’incidence du futur plan PAC sur les revenus des agriculteurs et agricultrices.
Nous déplorons un manque de cohérence entre certains objectifs annoncés et la faiblesse des moyens qui leur sont accordés, en comparaison avec l’ensemble du budget.
Nous demandons l’élargissement du débat public à d’autres acteurs concernés par l’agriculture et l’alimentation, dont AiA et ses membres. Nous déplorons le manque de transparence du processus du PSW, qui n’a pas été rendu public fin 2021 comme demandé par la Commission.