AiA travaille de plus en plus régulièrement les liens entre droits des femmes, approche genre et liens qui existe avec la transition agroécologique de nos systèmes alimentaires, et a ainsi proposé un Midi de l’Agroécologie consacré à la reconnaissance des femmes ayant fait le choix d’une profession agricole le 23 février 2022. Astrid Ayral, chargée de mission à la FUGEA, est venue nous présenter son mémoire de master en étude genre sur le sujet. Cela a donné lieu à une série de réflexions et d’échanges passionnants ! Elle a en effet pu constater sur le terrain et à travers son mémoire que le travail à la ferme continue à s’organiser de manière patriarcale avec une division des tâches fortement genrées entre les hommes et les femmes. Les femmes paysannes sont des rouages indispensables du fonctionnement des fermes t et motrices de leur transformation. De la fourche à la fourchette, au Nord comme au Sud, les femmes subissent une série de discriminations liées à leur genre. Pourtant, sans les femmes et leur travail invisibilisé, nos systèmes alimentaires ne fonctionneraient tout simplement pas ! A titre d’exemple, dans le secteur de la production, la FAO estime que les femmes sont à la source de la moitié de la production alimentaire mondiale. En Belgique, les femmes sont nombreuses à travailler dans les maillons de la production primaire ou de la transformation. Pourtant, l’agriculture continue à se conjuguer au masculin dans notre imaginaire collectif. Le terme “agricultrice” n’est d’ailleurs entré dans le Petit Larousse qu’en 1961. Dans les structures agricoles (syndicats, coopératives, etc), la hiérarchie sexuée se matérialise par la très faible représentation de femmes. La répartition genrée des rôles reste le mode d’organisation privilégié dans de nombreuses fermes. A ce titre, les agricultrices prennent notamment en charge la traite, le travail administratif et le soin aux veaux. Bien qu’indispensables, ces tâches “invisibles” sont souvent peu valorisées. En outre, les femmes agricultrices prestent pour beaucoup des doubles (voire triples) journées pour s’occuper du ménage et des enfants. Les hommes, eux, sont généralement responsables des travaux à haute valeur symbolique comme les travaux de champ ou la gestion du troupeau, qui s’accompagnent d’une large reconnaissance sociale. Certaines femmes tirent leur épingle du jeu en investissant notamment la transformation des produits agricoles et les circuits courts. Si ces parcours sont indéniablement inspirants, ils ne doivent pas occulter la situation de milliers de femmes qui travaillent souvent dans l’ombre de leur conjoint. Aux agriculteurs donc les activités reconnues, visibles et davantage flexibles. Aux agricultrices, les travaux moins reconnus et moins flexibles débouchant sur une invisibilisation des femmes dans les espaces de socialisation. Cette situation peut notamment s’expliquer par la socialisation genrée, la reproduction d’un schéma familial ou encore la difficulté de renégocier sa place dans la ferme alors que les sphères affectives et professionnelles sont intimement entremêlées. Les agricultrices adoptent néanmoins des stratégies de lutte “silencieuses” pour bénéficier d’une reconnaissance indispensable pour s’accomplir professionnellement et personnellement.
Ressource(s)
Le mémoire d’Astrid Ayral est disponible en téléchargement à l’adresse suivante : https://dial.uclouvain.be/memoire/ucl/object/thesis:30963